Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie
Suite à mon interview sur Mirabelle Tv du 24 avril, je souhaite apporter plus de précisions.
Tribune du 26 avril 2018
Cette semaine de débats à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » n’a pas apporté cette joie sublime d’amener la République à la plénitude de l’Universalité.
Ce projet de loi ne modifie malheureusement pas les conditions d’accueil des mineurs qu’ils soient accompagnés ou non. Il y a tout lieu de penser que la France continuera à être condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour « mauvais traitements » eu égard à la durée de rétention alourdie et le caractère qui reste à ce jour inadapté des locaux des centres de rétention administratifs.
Ce projet de loi reste aussi incertain quant à la garantie donnée à l’égale dignité dans le traitement des procédures mises en place. Un étranger ne pourrait être réduit à une image et à un son fussent-ils techniquement de qualité. Et, si nous apprenions enfin à regarder ces migrants comme les Français de demain ? Il ne s’agit en effet pas de technique mais d’égale dignité. Cela, nous n’avons cessé de le rappeler. Il s’agit de pouvoir choisir la rencontre humaine, celle du lien humanisé. Celui d’«une relation intime» comme l’ont défini les magistrats lors de leurs audiences. Cette mise en relation d’une histoire, d’un parcours, d’un exil, d’un réel tragique pour trouver un regard, un visage, une espérance, une ouverture…
Aurait-il été si compliqué de maintenir ce consentement, si cher à notre autonomie et à notre liberté, c’est-à-dire à notre modernité? Cette accélération des procédures au détriment du droit au recours des personnes privées de liberté : inquiétante étrangeté d’un imaginaire en ce début de XXIe siècle qui pousse à l’extension de cette pulsion scopique déclinée sous toutes ses formes. Il y a certainement attente que le haut-débit puisse concrétiser la philosophie de cette loi et contribuer à la célérité des procédures. Pourtant, il ne nous est pas apparu que zapper la rencontre humaine soit un chemin qui mène bien loin ni bien haut. En, tout cas cette voie qui se priverait de l’essentiel, de ce libre-choix restera comme un signal d’alerte et soumise à un régime de vigilance. C’est tout le sens de mon abstention en tant qu’élu de la majorité : attention et vigilance pour tenir bon et faire le pari d’un Etat de droits pour tous.
Vaste programme en effet que poursuit cette loi que de maîtriser l’immigration, de rendre effectif le droit d’asile et de permettre une intégration réussie. C’est une première pierre, pas totalement dégrossie qui nous a été proposée par le Ministère de l’Intérieur. Est-ce le seul ministère concerné par ces enjeux ? Il aurait été nécessaire et utile que fussent réunis le Ministère des Solidarités et de la Santé, le Ministère de l’Éducation Nationale, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Cohésion des Territoires, le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, le Ministère des Outre-Mer…
Il aurait sans doute fallu convier tous les magistères de la République. Car, il s’agit de réussir ce nouveau monde qui advient. Celui qui nous permettra de prendre entièrement notre part au malheur du monde, et pas seulement quelques milliers de demandeurs d’asile.
Quand aujourd’hui déjà, des pays plus éloignés de nos standards de confort accueillent des millions de migrants. Il ne s’agit pas de submersions. Il s’agit de construire une humanité commune face aux désordres du monde, face à une mondialisation subie. Le droit d’asile effectif, l’immigration maîtrisée et l’intégration réussie, ce sont surtout les changements climatiques auxquels il faille répondre et une mondialisation qu’il faille réguler sous peine de voir s’étendre ses zones de conflits.
Au fond, l’essentiel aurait pu tenir en un seul article, celui de la protection. Et, nous avons tous fondamentalement besoin de protection. Si nous ne pouvons accueillir tout le monde, il est néanmoins absolument indispensable de protéger ici et ailleurs. Soyons toujours vigilants et attentionnés pour la défense des droits et des devoirs de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants qui deviendront demain les citoyens de la République.
Il sera alors dit qu’en ce XXIe siècle, il fut une République où l’on a débattu de l’étranger comme une part de soi, une part de là-bas ici comme un chez-soi retrouvé. Et, que dans cette République puisse toujours battre le cœur du monde.
Brahim Hammouche
Député de Moselle – Thionville Ouest
Commission Affaires Sociales (whip MoDem)
Président du Groupe amitié France-Luxembourg
Membre Assemblée Parlementaire de la Francophonie